Quelques mots
Moi pas parler créole
Moi pas parler créole
Moi pas pleurer
Je parle pas créole
J’ai jamais su
On m’a pas appris
Je saurai jamais parler.
Ils se mettent en place
Pour la photo
Photo de famille
Chemises blanches
Souliers vernis, l’œil affamé
L’œil épuisé, cheveux lissés, défrisés
D’enfants noirs dociles, du noir soumis
D’enfants d’huissier, enfants propres
Missel en main pour la photo
Pour la photo
Pour la photo d’avant la messe
Avant la messe
Ils sont là, mon père, ses frères, ses sœurs
Ils sont là, dans ces Antilles années 50
Filles et fils d’huissier.
C’est là que je les voudrais libres, précisément courant, plongeant
Mangeant des mangues, des goyaves, des quénettes
C’est là qu’ils sont et que tout commence
Je les voudrais libres
En cet instant c’est là qu’ils se mutilent, se mangent les mains, se donnent des coups
Les Antilles en 50, Monsieur, c’est les coups.
Moi pas parler créole
Moi pas pleurer
Je les voudrais libres.
A mes chères Caraïbes qui sentent le rhum et le Cresyl.
Agnès Paspire-Viollet, 2019
Texte réalisé dans le cadre de l'exposition collective "Sel noir"
avec Philippe Berthommier et Michel Saint Lambert,
exposé à La Manufacture d' Axelle Gaussen à La Rochelle.
Bouts du monde
Nous sommes des bouts du monde
et nous ne le savons pas.
Nous n'avons qu'à fermer les yeux pleins de toundras, de vents, de calvaires.
Nous sommes des bouts du monde
et nous ne le savons pas.